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Interview - Louis Villaret, président du réseau des Grands Sites de France : "La surfréquentation touristique reste un enjeu de taille"

Le Marais poitevin, la baie de Somme, la dune du Pilat, les falaises du Cap Gris-Nez ou celles d'Étretat... Les 43 Grands Sites de France reconnus pour l'excellence de leur gestion et restauration viennent de se réunir les 4 et 5 octobre pour les vingtièmes rencontres du réseau qui les fédère. A sa tête un élu local, Louis Villaret, maire et président d'une communauté de communes dans l'Hérault, revient pour Localtis sur la maturation de cette distinction et les perspectives de développement de son réseau. Il partage l'expertise qu'il peut apporter aux collectivités et impulse une dynamique pour gagner en visibilité.

Localtis - Comment se sont passées vos vingtièmes rencontres ?

Louis Villaret - Elles ont réuni 250 participants les 4 et 5 octobre sur deux sites ardéchois, les Gorges de l’Ardèche et l'Aven d'Orgnac, un site renommé pour sa grotte. 41 des 43 Grands Sites labellisés ou en projet étaient présents. Plusieurs viennent de voir leur label renouvelé pour six ans. Outre le ministère de la Transition écologique, en charge des sites classés et de la politique des Grands Sites de France, le ministère de la Culture a répondu pour la première fois présent. Il y a presque vingt ans pour nos premières rencontres, nous n'étions que cinquante. Le saut quantitatif est important, le réseau s'est étoffé à un rythme régulier. Nous continuons de nourrir une réflexion fructueuse autour des paysages préservés et de ce bien commun. L'an dernier nous parlions de la capacité de rayonnement et d'innovation des Grands Sites (voir les actes), cette année de leurs apports et retombées économiques ou fiscales sous le regard de gestionnaires (principalement des syndicats mixtes), d'inspecteurs de sites mais aussi d'élus et de chercheurs.

Solliciter des économistes s'avère-t-il pertinent ?

Grandement ! Leur regard éclaire cette création de richesses et apporte des nuances. Ils concluent qu'on ne saurait directement lier le développement local aux flux financiers arrivant sur un territoire, tant il est le fruit d'une dynamique plus large associant attractivité territoriale, capacité de coopération entre acteurs et innovation productive. Protéger un site remarquable ne suffit pas. Il ne s'agit pas de le mettre sous cloche. Ce n'est pas un musée : il faut le faire vivre ! Y lancer avec intelligence une dynamique associant les populations, les élus et professionnels tout en valorisant les productions locales, est la condition pour que ces sites profitent aux territoires où ils s'inscrivent. En vingt ans, l'approche a donc changé. D'une approche descendante (top-down) dominée par la protection du site et le respect de l'esprit des lieux, nous sommés passés à une démarche allant du bas vers le haut (bottom-up) pour repérer, faire remonter et valoriser les projets des habitants ou des artisans. Dans ma vallée nous avons ainsi sorti un parfum 100% local aux senteurs des garrigues et de l'Hérault. Notre politique de boutiques de site, en outre, se structure. Les recettes générées contribuent certes à financer la gestion du site mais pas seulement : les produits présentés valorisent des activités locales en adéquation avec cet esprit des lieux.

L'expérimentation est-elle dans l'ADN des Grands Sites ?

Elle se concrétise et s'épanouit dans l'écomobilité, le tourisme durable et la priorité donnée à la sobriété d'aménagements non formatés et pensés pour le site. Nous avons cru très tôt à l'intérêt de réduire l'usage de la voiture et travaillé avec des départements, intercos et professionnels du tourisme pour proposer aux visiteurs d'autres formes d'immersion dans nos paysages remarquables. Ce programme "Escapade nature sans voiture" fonctionne bien et s'étend. Autre voie explorée, le recul des stationnements et la mise en place de navettes d'accès au cœur des sites. Les syndicats mixtes gérant les îles Sanguinaires dans le golfe d'Ajaccio et la Pointe du Raz en Bretagne ont beaucoup travaillé sur ces aménagements d'accès, la signalétique, les stationnements paysagers... Le Puy-de-Dôme aussi, réorganisant la gestion des flux de visiteurs, réduisant le ravinement induit par la surfréquentation touristique et mettant en place un train à crémaillère électrique. Le massif du Canigou (Pyrénées-Orientales) va plus loin et interdit l'accès aux voitures en contrebas de son mythique refuge. La croissance de l'activité touristique, qui figurait déjà au menu de nos 8es rencontres annuelles, reste un enjeu majeur. Il est possible que nous en reparlions longuement l'an prochain.

Quel savoir-faire avez-vous à partager avec d'autres territoires ?

Du diagnostic de territoire à la concertation avec les habitants, nous disposons désormais d'une méthodologie largement éprouvée et susceptible d'intéresser d'autres gestionnaires ou porteurs de projets locaux. Notre vision globale des atouts d'un site classé intègre des aspects patrimoniaux, culturels, environnementaux mais aussi forestiers, agricoles et pastoraux. Ces travaux de fond réalisés avec les élus et multiples usagers des sites peuvent servir à d'autres et méritent de gagner en visibilité. C'est un message que je voulais faire passer.